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« Un outil plus ou moins pertinent suivant l’usage »


Rédigé par Rédaction le Jeudi 27 Août 2020 à 10:27 | Lu 1281 fois


Propices à l’utilisation du numérique, les deux mois de confinement ont, en France, été le théâtre d’une augmentation spectaculaire des téléconsultations et de la télémédecine en général. Cet essor a permis à plusieurs professionnels de santé de tester de nouvelles pratiques pour mieux en appréhender les apports et les limites.



Déjà largement présent dans nos vies, le numérique a joué un rôle prépondérant lors de la crise sanitaire. Afin d’organiser la prise en charge des patients et la continuité des soins, les réunions par visioconférence ont par exemple été mises en place partout en France. « Cela a permis au maire de réunir, en toute sécurité, tous les professionnels de santé du territoire, qu’ils soient en zone urbaine ou rurale », confie Olivier Cavagna, directeur général adjoint, délégué notamment à l’innovation au sein de Vichy Communauté. En parallèle, le numérique a également favorisé le développement exponentiel de la télémédecine et plus particulièrement des téléconsultations. « En quelques jours, la France est passée de 10 000 à 1 million de téléconsultations par semaine », constate Claude Kirchner, directeur du Comité National Pilote d’Éthique Numérique (CNPEN).

Florine Duplessis, sage-femme-échographiste. © Efelya
Florine Duplessis, sage-femme-échographiste. © Efelya

Un outil pour rassurer les patients

Conséquence des deux décrets parus au Journal Officiel les 10 et 20 mars 2020, cette augmentation spectaculaire a permis à de nombreux professionnels de santé de s’essayer à une pratique qui peinait quelque peu à entrer véritablement dans les mœurs. « Certains de nos collègues étaient un peu frileux et se sont désormais rendu compte que les consultations à distance ne sont pas si difficiles à mettre en œuvre », confie Florine Duplessis, sage-femme-échographiste et créatrice d’une application de e-santé qui accompagne les femmes du monde entier durant leur grossesse. Dans ce cabinet breton, déjà habitué à la technique, de nombreuses personnes ont pu être suivies pendant le confinement. « Seules les consultations qui nécessitaient une auscultation ou une échographie ont été effectuées au cabinet », poursuit Florine Duplessis. Pour les autres, un appel téléphonique ou un échange en visioconférence ont permis de suivre les patientes et surtout de les rassurer, ce qui représente une part importante de notre travail », ajoute la professionnelle. « Cela a été encore plus vrai ces dernières semaines, note-t-elle. La téléconsultation est un outil formidable, qui permet de gagner du temps, d’apaiser la patiente et, le cas échéant, de l’orienter vers une consultation en présentiel ».

Gaëlle Haaz Le Du, IDEL. © DR
Gaëlle Haaz Le Du, IDEL. © DR

Des pratiques légitimées par leur entrée dans la règlementation

« Suivre »« rassurer »et « orienter », tels sont aussi les principaux bénéfices de la téléconsultation pour Gaëlle Haaz Le Du, infirmière diplômée d’État libérale (IDEL) et responsable de la maison de santé d’Auray, dans le Morbihan. En première ligne dans la crise sanitaire, ses collègues et elle-même se sont rendus au domicile des personnes suspectées ou confirmées Covid-19 pour les accompagner, notamment, durant la téléconsultation avec leur médecin traitant. Ils ont également mis en place un télésuivi. « Nous prenons en charge de nombreuses personnes âgées, souffrant parfois de troubles cognitifs, précise Gaëlle Haaz Le Du. Nous avons donc l’habitude qu’elles nous appellent pour poser une question, ou plus simplement pour être rassurées. Le fait que cet accompagnement à distance entre dans la réglementation donne plus de valeur à notre travail ». À Auray, au plus fort de la crise sanitaire, le champ de ce télésuivi s’est élargi. « Il nous fallait effectuer des tours de garde 7j/7 pour appeler, chaque jour, nos malades Covid et programmer si nécessaire une visite à domicile ou une hospitalisation », raconte l’infirmière. 

Philippe Bouchand, médecin généraliste. ©DR
Philippe Bouchand, médecin généraliste. ©DR

Un système qui a aussi ses limites

Alors qu’ils ont enregistré une baisse de 50% de leurs consultations en présentiel, les médecins généralistes libéraux ont eux aussi eu recours à la télémédecine. « Pendant deux mois, nous avons essentiellement effectué des renouvellements d’ordonnances ou pris en charge des patients suspectés de Covid », confie le Docteur Philippe Bouchand, médecin généraliste intégré à la maison de santé pluridisciplinaire (MSP) de Bignoux, dans la Vienne. Opérationnelles depuis janvier 2019, la téléconsultation et la télé-expertise sont bien implantées dans son cabinet. Pourtant, le médecin n’en a pas moins modifié ses pratiques. « Alors qu’auparavant nous proposions la téléconsultation uniquement pour le suivi des patients chroniques, nous avons dû étendre cette modalité, poursuit-il. Pendant les semaines de confinement, nous l’avons ainsi ouverte à tous ».Cet essai « grandeur nature » a donc permis au praticien d’en appréhender les limites à si grande échelle. « Je pense que nous en reviendrons à notre organisation antérieure, car elle répond à l’une de nos problématiques : assurer la continuité des soins pour les patients devant bénéficier d’un suivi au long cours, complète Philippe Bouchand. Pour les autres, avoir la possibilité d’une téléconsultation à l’initiative des patients modifie à mon sens la relation soignant-soigné.Une évolution qui, personnellement, m’inquiète ». Autre limite soulevée par le professionnel : la mise en exergue d’une fracture numérique particulièrement présente chez les personnes âgées, précaires ou les hyper-ruraux. « Sur le long terme, cela pose aussi le problème de l’inégalité d’accès aux soins », ajoute le médecin, qui envisage donc la télémédecine« non comme une fin en soi mais un outil, plus ou moinspertinent suivant l’usage et les problématiques liés à chacun »

Serge Bismuth, médecin généraliste. ©DR
Serge Bismuth, médecin généraliste. ©DR

Et demain ?

Cette réflexion autour des usages doit d’ailleurs être menée par tout professionnel de santé souhaitant mettre en place une solution de téléconsultation. Une attention particulière doit en outre être accordée aux garanties offertes en termes de sécurisation des données transmises. « Les médecins n’étant pas forcément formés à ces enjeux, les échanges sont plus ou moins sécurisés », constate ainsi le Docteur Serge Bismuth, médecin généraliste à Toulouse. Ce pionnier, qui pratique la télémédecine depuis 1998, appelle donc à « recadrer l’outil pour limiter certaines dérives, voire des abus, et s'appuyer sur des principes déontologiques et éthiques forts ». Nul doute que dans les prochaines semaines, les conditions dérogatoires seront revues et réadaptées. En attendant, l’idée d’une médecine plus ancrée dans le monde numérique a fait son chemin. À Vichy, par exemple, la communauté de communes envisage un projet de « télémédecine d’urgence » : de petits véhicules capables d’effectuer des diagnostics rapides en mobilité. Il faut dire que ce n’est pas la première incursion de Vichy Communauté sur le champ des objets connectés. C’est en effet l’un des territoires expérimentateurs pour le projet européen « Smart Bear », coordonné pour la France par le CATEL et qui vise à évaluer l’impact de certains dispositifs numériques sur la santé physique et mentale des seniors. Partout en France, la révolution numérique semble bel et bien en marche.


 

Article publié sur le numéro de juin d'Hospitalia à consulter ici : https://www.hospitalia.fr/Hospitalia-49-Special-Covid-19-MERCI-_a2230.html  







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